Claire Roudenko Bertin /09/ …je sépare quand je dis…

Konsthallen Bohusläns museum Uddevalla Swenska – Mikael Fagerlund – Miquel Mont – Wolfram Ulrich
trois peintres font une exposition ensemble, un suédois, un allemand et un espagnol

quelqu’un viendrait là et dirait : “Regardez ainsi sont ces choses!” et nous on resterait derrière ces paroles et on les recopierait en vitesse pour bâtir un petit rempart de mots entre nous et ces choses ainsi la fonction d’un texte à propos de ces choses serait claire du moins on pourrait la voir plus clairement

car on a vu on a beaucoup parlé de ces choses et on a vu ça nous a fait mal au cœur plus on parle des choses et plus on les renie plus on les relime plus on s’en sépare

et on construit un espace qui est autre chose que la chose mais qui permet de voir la chose à partir du moment où s’il s’est bien constitué comme vide et dégagement désencombrement de l’espace potentiel du regardeur

alors autant mouler la place de ce texte tout de suite car il est de toute façon comme une négation une destruction le nier veut dire le mieux voir et ainsi on distingue la distance affolante et nécessaire qui nous sépare de l’œuvre quand j’ouvre le bec dans la seconde je sépare quand je dis quelque chose de la chose la chose est foutue

un texte comme une mesure de ces espaces de ce qui n’a pas été dit mais peint

alors comment faire?

ça ne peut-être que transparent c’est à dire opaque à nous-mêmes tellement transparent que nous-mêmes ne pourrions l’identifier un texte qui nous oublie qui oublie qu’on l’a écrit qui oublie tout ce qu’on sait faire penser écrire etc qui nous rit au nez qui est mal écrit qui dit pas bien qui raconte de vraies balivernes

tellement transparent qu’on ne peut pas nous-mêmes contenir toute cette transparence

et alors là il pourrait exister être offert donner décemment

on signerait sa démission

sinon c’est comme une imposture,
un substitut de regard

claire roudenko-bertin